les insectes allongent la saison jusqu’aux limites de l’hiver

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La chenille processionnaire grignote la carte. À son aise dans les contrées sous influence méditerranéenne, elle s’est acclimatée dans le Sud-Ouest et a poursuivi vers le nord. Aujourd’hui, elle distribue ses poils urticants jusqu’aux forêts franciliennes. En Espagne, les études récentes attestent sa progression en altitude, où elle s’attaque aux forêts anciennes. Des observations réalisées en 1961 montrent qu’à cette époque, elle ne s’était pas encore risquée au nord d’une ligne tracée entre le sud de la Bretagne et les Alpes. Dans les labos, on s’accorde à y voir la patte du réchauffement climatique.

« La situation est d’autant plus préoccupante que la chenille processionnaire a migré vers le nord en laissant ses ennemis naturels sur son aire de répartition traditionnelle. Un parasitoïde, une guêpe miniature qui est son prédateur le plus efficace, ne l’a pas suivie », analyse Joan Van Baaren, enseignante-chercheuse à l’UMR (unité mixte de recherche) Écobio du CNRS Rennes 1.

Dans le monde des insectes, le réchauffement climatique se traduit par la colonisation de nouveaux territoires, mais aussi par un allongement de la durée d’activité. « Les oeufs de la phalène brumeuse, un papillon, éclosent deux semaines plus tôt qu’en 1985. Pour le papillon Aurore, c’est au moins une semaine. Ce phénomène d’avancement en saison est commun mais il n’est pas systématique, on ne sait pas trop pourquoi. Il met certaines espèces en danger. Si la phalène brumeuse sort trop tôt, elle ne trouve pas de nourriture et elle meurt de faim. Ce qui peut avoir des répercussions sur de nombreuses espèces, notamment sur l’étage des oiseaux. Les mésanges se nourrissent de chenilles, par exemple », poursuit Joan Van Baaren.

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Le comportement des insectes tient au fait qu’ils sont ectothermes. En français courant, leur température est corrélée à celle du milieu extérieur. À chaque espèce correspond un seuil thermique qui commande le démarrage de l’activité. Aux alentours de 10 °C pour les abeilles, à 14 °C pour les fourmis des bois.

« Plus la température monte, plus l’activité est importante. De ce fait, certains insectes vivent moins longtemps puisqu’ils brûlent toute leur énergie sur une période plus courte. Parallèlement, les espèces ont tendance à allonger leur saison. Cette année, on a vu beaucoup d’insectes en septembre puisque le mois a été particulièrement chaud. D’année en année, on a des chances de les observer tard en automne, voire en hiver. C’est un autre équilibre », résume Joan Van Baaren. Un équilibre qui, en certains points du Sud-Ouest, a permis aux moustiques de prospérer jusqu’au mois dernier, par exemple.

Les conséquences de ces bouleversements restent encore mystérieuses pour l’abeille, le plus emblématique – et le plus indispensable – des insectes volants. « La floraison de l’acacia est quinze jours plus précoce que deux décennies auparavant, on en voit les conséquences sur l’activité des ruches. Pour le reste, la part du changement climatique dans les problèmes de la profession est difficile à déterminer », estime Thomas Mollet, apiculteur à Pardaillan, dans le Lot-et-Garonne, et président de l’Association de développement de l’apiculture en Aquitaine (Adaaq).

Selon celui-ci, le réchauffement impacte déjà la profession en Languedoc-Roussillon et dans la vallée du Rhône, en raison des épisodes très secs qui scandent les étés. « Dans ce type de situation, les abeilles ne produisent plus de miel », indique-t-il.

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Lui aussi installé dans le Lot-et-Garonne, à Verteuil-d’Agenais, son confrère Maurice Coudoin se montre moins affirmatif. « Notre abeille tient très bien le choc jusqu’à la limite du Sahara. Si elle devait s’acclimater au réchauffement climatique, ce serait surtout en rapport avec le changement des cultures et de la flore. Qu’adviendra-t-il, par exemple, de la zone des châtaigniers ? Mais il est vrai qu’au sud de l’Espagne, en Andalousie, l’abeille cesse toute activité en juillet-août. Elle est trop occupée à ventiler la ruche pour en abaisser la température. Les périodes de production de miel sont plus brèves et plus intenses », remarque-t-il.

Reste à savoir s’il y aura encore des abeilles quand la météo andalouse s’installera dans le Sud-Ouest. Mais ceci est, en partie, une autre histoire.

Source: sud-ouest.com